Tradition
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Mariage Tangerois

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La cérémonie de mariage marocain est l’un des rituels qui, fortement investi par le champ religieux, s’imprègne également d’un ensemble d’us et coutumes puisés dans la tradition locale de chaque région.

A ce propos, Tanger se caractérise par des usages bien spécifiques quoiqu’elle ait en partage d’autres coutumes avec Fès et Tétouan.

En effet, les fiançailles (lakhtiba) sont solennellement annoncées une fois que le choix du marié est porté sur sa future épouse, lors d’une cérémonie au cours de laquelle les familles des deux futurs mariés s’entendent, en l’absence des concernés, sur la date de l’acte de mariage (Drib Sdak), ainsi que sur les autres dispositions nuptiales relatives à la dot et aux cadeaux.

La coutume veut que ce soit chez la famille de la mariée que se déroulent la rédaction et la célébration de l’acte du mariage, au cours d’une cérémonie en présence de deux adouls (notaires), à laquelle sont conviés les membres et les amis proches des deux familles, pourvu que les femmes se tiennent séparément des hommes.

Des présents sont offerts à l’occasion par la famille du marié à la future épouse dans une ambiance de fête où la fragrance des encens se dispute la vedette aux sons musicaux entrecoupés de you-you.

Revêtue d’une tenue traditionnelle, la fiancée se pare, pour la circonstance, de ses plus beaux bijoux, à l’instar d’une mariée la nuit des noces (Dakhla ou Rouah), tandis que le fiancé s’habille en costume à l’Européenne ou en tenue traditionnelle de marié (djellaba blanche, babouches et tarbouche rouge).

Le fiancé habillé en Djellaba et ses proches quittent, par la suite, cette cérémonie après avoir fixé la date de la célébration du mariage, arrêtée le plus souvent pour une année après la conclusion de l’acte du mariage afin de permettre à la mariée de préparer son trousseau (Chouar), constitué d’habits, de bijoux, d’objets de broderie, de mouchoirs sertis, de couvertures d’oreillers, d’ustensiles de cuisine et autres menues choses dont elle aura besoin au cours de sa vie conjugale.

Conformément au célèbre adage marocain selon lequel “noces d’une nuit, réflexion d’une année”, ce délai sied tout aussi bien au marié et lui permet d’équiper le nid conjugal en matériels de première nécessité.

Un mois à peine avant la cérémonie de célébration du mariage, les deux familles commencent à faire part des invitations écrites ou orales aux convives, ou à travers la arrada (une dame chargée des invitations) et les deux negafa qui, de par leur expertise dans le domaine des relations conjugales et leur longue expérience dans la vie, se chargent d’accompagner, l’une la mariée l’autre le marié, au cours des célébrations du mariage.

En échange de ses multiples services faits de prières et de you-you, la negafa a droit, outre son salaire, à d’importantes sommes d’argent qu’elle collecte auprès des familles des mariés (Ghrama).

Une semaine avant la nuit des noces (Dakhla), les deux familles animent, séparément, une petite fête appelée Ajin lâajin (pétrir la pâte) qui, de par son caractère réservé strictement aux intimes, est consacrée à discuter des variétés de pâtisserie qu’il convient de préparer, la présentation du chouar de la mariée et des présents que le marié est censé offrir à son épouse la nuit des noces.

Durant la matinée qui précède la nuit des noces, la mariée se rend en compagnie de ses plus proches et amies au hammam (Kharjat Alhammam) avec sa negafa en tête du cortège.

Le soir venu, la mariée, sans ceinture et toute de blanc vêtue, se laisse aller aux petits soins de la Hennaya assistée par la negafa, qui lui embellissent de henné les pieds et les mains au cours d’une cérémonie dite Nbita (Plante) ou Leilat Alhanna (Nuit du Henné).

Le lendemain, la famille de la mariée organise une cérémonie dite Dohour Lâarousse (Apparition de la mariée), qui consiste à montrer aux convives la mariée parée de ses plus beaux atours, resplendissante dans son apparat de bijoux et de colliers (de takhlila et de chadda ) que la coiffeuse (Machta) s’est évertuée à agencer dans une pure tradition qui puise ses racines dans l’héritage islamique andalou.

Lors de cette cérémonie, la coiffeuse accompagne de près la mariée dans une série de processions qui se multiplient autant que se diversifient les apparats, appelée Tabrizat Lâarousse, une opération qui consiste à faire valoir les charmes de la mariée devant une assistance exclusivement féminine.

La cérémonie se poursuit, au rythme d’un orchestre musical animé rien que par des femmes, agrémentée de verres de thé et de pâtisseries préparées par la famille du marié avec un raffinement exquis.

Le plus souvent, la célébration du mariage se tient le jour même de l’Apparition de la mariée, sinon le jour d’après. La cérémonie commence par la lecture de versets coraniques et enchaîne sur des récitals de samâe et des poèmes chantant les louanges du prophète Sidna Mohammed, avant la lecture de la fatiha.

Place ensuite aux festivités mondaines animées par divers orchestres et troupes folkloriques, dont les kachafa, tabbala, neffarine et bardia.

La cérémonie bat aux rythmes des sons musicaux, qui donnent le ton aux verres de thé gracieusement offerts avec les diverses pâtisseries, jusqu’à ce que vienne le moment où le marié, habillé d’un costume traditionnel qui n’est autre qu’un présent offert par la mariée, est conduit à la tête d’un cortège de proches et amis rejoindre les festivités, chez ses beaux-parents.

La coutume veut que, dans cette ambiance de fête où la joie du mariage est inévitablement teintée d’une certaine mélancolie à l’idée du départ de la jeune mariée, les deux époux sont gratifiés par les convives de nombreux présents en guise d’assistance pour l’équipement de leur nid conjugal.

Après la prise de photo souvenirs, les mariés montent dans une litière placée sur le dos d’un mulet (Hawdaj, âmmaria ou bouja, selon la terminologie des habitants du Nord), ornée de motifs chatoyants de broderie, de roses et de jasmins. Le cortège se fraie majestueusement son chemin, à travers ruelles et quartiers, s’arrête devant la porte principale d’une mosquée ou d’un saint, avant de poursuivre sa procession vers la maison du marié.

Cette pratique est toujours d’usage tant parmi les habitants de l’ancienne médina que dans certains quartiers périurbains de Tanger, mais la voiture a supplanté le mulet dans les autres quartiers de la ville où le cortège métallique gagne de plus en plus du terrain.

Le lendemain, des proches de la mariée se rendent dans la nouvelle demeure de celle-ci portant, avec elles, le petit-déjeuner rituel fait de soupe, de beignets et de pâtisseries à base d’amandes, dans une subtile manière de se rassurer sur son état et de lui renouveler, ainsi qu’à son mari, leurs félicitations.

La coutume veut aussi que, le lendemain, le mari offre à son épouse un présent de bijou en or, en signe de reconnaissance pour sa chasteté.

Dans la soirée, une autre cérémonie exclusivement féminine, dite Sbah ou Sbouh, a lieu, au cours de laquelle sont présentés les cadeaux en or, bijoux et habits offerts par le mari à sa femme.

S’il est d’usage chez certaines sociétés que les nouveaux mariés continuent à fêter, en couple, leur alliance nuptiale pendant les trente jours qui suivent le mariage, communément appelée lune de miel, les us et coutumes du Tangérois ne le permettent pas plus d’une semaine.

Le septième jour venu, le rideau tombe sur une ultime cérémonie exclusivement féminine dite Lahzam (ceinture) : une savante tournure rhétorique pour dire que les sept jours rituels se sont écoulés et qu’il convient, désormais, à la nouvelle mariée de retrousser ses manches et de se serrer la ceinture.

Désormais, seuls les foyers des familles des deux nouveaux mariés resteront ouverts, durant les deux semaines qui suivent, aux proches et amis qui n’auraient pas pu assister aux festivités pour une raison ou pour une autre.

La coutume veut aussi que soient offerts d’autres verres de thé et d’autres pâtisseries en ces visites dites de Hna (félicitations) en échange des cadeaux apportés par les retardataires.

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